Entretien avec MME Corinne VIGNON, Présidente du groupe d’ études « condition et bien être animal « de l’Assemblée Nationale. Le groupe n'est pas anti spéciste et a été à l'écoute de nos arguments sur l'elevage dit " de conservation". ProNaturA France entend garder des relations étroite avec ce groupe.
Le mardi 11 juillet 2023, ProNaturA France a rencontré MME Corinne VIGNON et ses collaborateurs. La délégation conduite par la Présidente était composée de Laurent GRIFFON, Directeur de Races de France, pour les espèces domestiques, Frédéric SALMERON, Directeur-adjoint de la FFA pour les non domestiques et la conservation. Et Sébastien PATURANCE en transversal pour le Conseil scientifique.
De gauche à droite : MM.GRIFFON, SALMERON, PATURANCE et MMES VIGNON ET AUSSEIL.
Le but était de se faire connaître de cet important groupe d’études ( 62 députés ) et d’y faire entendre la voix des éleveurs amateurs, mais aussi professionnels de races à faibles effectifs, et de conservation. Un certain nombre de questions parlementaires cette année sur la liste positive et la grippe aviaire faisaient apparaître en effet une non prise en compte de nos besoins, et des confusions entre élevage et trafic qui nous semblaient devoir être mises au point.
En outre, ce groupe de travail a validé la Loi du 30 Novembre 2021 sur la maltraitance animale, loi pour laquelle nous n’avions pas été entendus ni auditionnés en dépit de nos nombreux messages depuis 2021.
La réunion a été très animée et certainement profitable à tous. MME VIGNON a été surprise des informations données sur le fonctionnement de toutes les associations d ‘éleveurs et a bien compris que nous oeuvrions pour le bien-être de nos animaux. Elle s’est étonnée que ProNaturA dans toutes ses composantes ne soit pas plus associée aux réflexions sur la condition animale et s’est engagée à savoir pourquoi : nous avons mis en avant nos nombreuses actions, lettres, pétitions, démarches depuis plus de vingt ans. Laurent Griffon a rappelé la puissance des lobbys anti élevage. MME VIGNON nous a affirmé n’être pas anti spéciste.
- Nous souhaitions lui pointer les différentes dérives de la Loi et ses effets concrets sur le terrain. Et l’alerter sur la perte de biodiversité qui risquait de découler de ces dérives, à travers notamment les décrets d’application.
Laurent GRIFFON, soutenu par tous, a déploré que les éleveurs soient souvent vus comme coercitifs et ignorants du bien-être animal. Il a précisé le souci de bientraitance et les formations afférentes assurées. Nous avons indiqué d’ailleurs ne pas apprécier le terme « détenteur » et préférer celui de « protégés », qui correspondait mieux à notre action.
MME VIGNON a exprimé un certain scepticisme :
Elle s’est clairement positionnée contre le système actuel des ACACED, délivrés selon elle sans réelle formation. Cela ouvrait la porte à la possibilité de se mettre à élever chiens et chats « comme ça ». Nous avons rectifié en expliquant le rôle de contrôle et de formation de la SCC par exemple.
MME VIGNON nous a expliqué qu’elle se situait au niveau du législateur et nous a indiqué ne rien pouvoir faire contre les excès de pouvoir de l’administration (décrets notamment que lui avons opposés).
Elle était aussi contre les cages : nous avons aussi fait valoir leur rôle protecteur pour les oiseaux, en respectant les normes ( plus de cinq battements d'ailes, a précisé le Conseil scientifique). Pour ce qui est des animaux domestiques, nous avons relevé l’ incohérence plein air / restrictions grippe aviaire. Mais admis l’impuissance face à l’épidémie, la réglementation sanitaire et la nécessité de claustration. Cela a toutefois été l’occasion de poser le problème bien traitance/ claustration/abattages.
- Face à ces interrogations sur comment continuer nos activités d’élevage dans ces conditions, elle a indiqué que la Loi ne visait aucunement l’élevage et qu’ il n'y avait rien dedans contre selon elle. Son objectif affirmé était la lutte contre les trafics.
Nous lui avons opposé que dans les faits, si : mesures trop restrictives, et dérives possibles ( interventions chez des particuliers avec forces de police à la demande d’associations animalistes, saisies sans passage par le Tribunal). Nous avons indiqué qu’il y avait là aussi des formes de profit tiré des animaux.
Nous avons proposé de rédiger une loi sur l’élevage pour pallier le manque constaté : elle n’ y était pas hostile mais a indiqué avoir une priorité actuellement sur la loi contre les colliers étrangleurs.
- Sur son positionnement, elle nous a indiqué passer du temps à Roissy constater les trafics et être très mobilisée sur le sujet : visiblement c’est le trafic sa cible et non les éleveurs. Mais elle ne semblait pas percevoir que l’élevage, et donc la biodiversité, devenait une victime collatérale des mesures prises.
Nous nous sommes élevés en bloc contre cet amalgame : nous lui avons présenté les différents moyens d’identification pour nos animaux ( bagues notamment ) et rappelé que depuis 2005 il n’ y a pas en élevage d’animaux prélevés dans le milieu naturel en France .
Nous avons insisté sur notre sentiment de responsabilité vis à vis des animaux, nos efforts de conservation d’espèces rares, notre investissement dans leur bien-être. En aucun cas nous ne pouvions être assimilés à des trafiquants : nos animaux étaient identifiés et traçables avec un suivi vétérinaire.
Nous avons détaillé l’action pédagogique et de relais de la législation de chacun de nos clubs envers ses membres. Et nos actions pédagogiques aussi envers le public. La FFA a précisé le « label » formation qu’elle délivre, par exemple. Le message été compris.
Toutefois elle nous a à plusieurs reprises interrogés sur le devenir des animaux nés en élevage : nous avons répondu qu’ils étaient échangés entre éleveurs. Mais la sujet de leur cession n’a pas été approfondi et il nous a semblé hors de propos à ce stade. Il est à prévoir que l’aspect financier de l ‘activité pourrait constituer une difficulté.
- Nous avons posé la question de la liste positive en alertant sur le rôle des particuliers dans la sauvegarde d’ espèce rares en liaison avec les zoos notamment. Sebastien Paturance et Frédéric Salmeron ont expliqué comment les éleveurs dits « de conservation » sauvegardent des espèces en danger voire éteintes (poissons notamment lorsque leurs lacs disparaissent – Mexique, Afrique etc ..)
Frédéric SALMERON , Vice Président de la FFA, produit des images pour expliquer le travail de sauvegarde des éleveurs de nomreuses associations aquariophiles.
La production d’images de Killies a été très probante. Encore une fois, l’aquariophilie, trop mal connue dans sa dimension de protection et sa pédagogie, est une carte maitresse dans La Défense de l’élevage.
Elle nous a indiqué être en faveur de cette liste : il y avait trop d’animaux dans l’illégalité en France. Mais que ce n’ était pas une urgence pour elle pour le moment. Nous lui avons mentionné des doutes : absence de chiffres précis notamment sur ces « illégaux » face à ceux issus de l'élevage. Il ne fallait pas que les cas de trafic masquent la majorité : des animaux légalement élevés et des dispositifs de contrôle qui existaient – arrêté de 2018 – Nous avons rappelé que les éleveurs européens étaient réunis et massivement contre son principe de liste positive.
- Nous avons indiqué notre disponibilité pour travailler sur les futurs textes de loi et pour former éventuellement les forces de l’ordre.
Nous avons proposé un numéro de contact en cas de questionnement face à un cas de maltraitance alléguée, autre que chien et chats, au lieu de sévir et saisir. Nous avons signalé des cas de maltraitances administratives. Notre Fédération pouvait réagir sur de nombreuses espèces, ce qui n’était pas le cas pour les associations classiques, plus axées sur chiens et chats. Quid d’un perroquet ou d’un reptile ? Et où les mettre ? Nous avons indiqué le risque de déborder les structures existantes, ou de devoir euthanasier, faute de possibilité de prendre en charge des animaux saisis. La loi contre la maitraitance pouvait amener des maltraitances, tel était le paradoxe actuel.
Elle n’était pas opposée à nos propositions mais nous a proposé d’être davantage référencés d’abord.
Elle nous a recommandé de prendre rendez – vous avec le Cabinet de MME COUILLARD;
Et signalé que si nous souhaitions garder des animaux , domestiques comme non domestiques, en restant dans le cadre légal, il fallait se constituer en refuge ; nous avions intérêt d’ailleurs à faire reconnaitre cette dimension à notre Fédération afin d’avoir plus d’écoute de la part des pouvoirs publics.
C ‘était sa recommandation essentielle que nous vous relayons :
les nombreux clubs ou associations membres – ou pas – de ProNaturA : vous avez intérêt à étudier comment inclure un « refuge » dans vos statuts ou auprès de certains membres, ce qui vous conférerait une légitimité. Attention : le statut de refuge exclue la reproduction donc il faudra, au sein des associations d élevage, constituer une structure spécifique en parallèle. Nous allons étudier pour notre part comment cela peut se faire sur le plan juridique afin de vous guider si vous le souhaitez.
Nous allons aussi entretenir le dialogue avec les membres de ce groupe d’étude essentiel pour la défense du travail des éleveurs.
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sarah AUSSEIL